Cette équipe de virologues et d’immunologistes de l’Université de Stanford a peut-être trouvé le moyen de désengorger les hôpitaux. L’analyse des anticorps présents dans le sang peu après l'apparition du COVID-19 semble en effet pouvoir prédire la gravité possible de la maladie c’est-à-dire de prédire quels patients sont les plus susceptbles de nécessiter d'une hospitalisation. Il s’agit précisément d’une signature formée par les anticorps post-infection, très spécifique chez les patients qui infectés par le SRAS-CoV-2 peuvent évoluer vers des symptômes graves. Ces données viennent d’être publiées dans la revue Nature Immunology.
L’auteur principal, le Dr Taia Wang, professeur de maladies infectieuses et de microbiologie et d'immunologie à la Stanford Medicine explique : « nous avons découvert que les anticorps produits par un vaccin à ARNm et dans ce cas, celui de Pfizer diffèrent de manière importante de ceux des personnes infectées par le SRAS-CoV-2 qui vont développer une forme sévère de la maladie ».
Ces découvertes jettent les bases d’un test qui, effectué peu de temps après un test de dépistage positif du COVID-19, pourrait aider les cliniciens à concentrer leurs efforts et leurs ressources chez les patients qui en ont le plus besoin.
Pouvoir prédire le risque d’hyper-inflammation
On sait que certaines inflammations sont nécessaires à une réponse immunitaire efficace mais une inflammation chronique ou excessive peut causer des problèmes, comme celle associée à la détresse respiratoire observée chez les patients dont le système immunitaire n'a pas réussi à bloquer rapidement le SRAS-CoV-2 après avoir été infecté.
« La plupart des recherches sur le sujet s’accordent aujourd’hui sur le fait que « le COVID-19 sévère est une maladie hyper-inflammatoire, en particulier dans les poumons parfois décrite comme une « tempête de cytokines » . Nous nous sommes à nouveau demandé pourquoi une minorité de patients développent cette réponse inflammatoire excessive, alors que ce n’est pas le cas de la plupart des patients ».
L'étude : l’équipe a analysé les échantillons de sang de 178 patients adultes testés positifs pour le COVID-19 au cours d'une visite dans un hôpital ou une clinique du Stanford Health Care. Au moment des tests, les symptômes de tous les participants étaient légers.
- Au fil du temps, 15 participants ont développé des symptômes graves au point de se rendre en service des urgences ;
- l’analyse des anticorps dans des échantillons de sang prélevés le jour du test diagnostique puis 28 jours plus tard, révèle des différences notables entre les participants ayant développé des symptômes graves et ceux qui n’ont connu que des formes légères ou modérées de la maladie ;
- si de nombreux participants dont les symptômes sont restés légers ont présenté des niveaux sains d'anticorps neutralisants contre le SRAS-CoV-2 dès le départ, les participants qui se sont retrouvés hospitalisés avaient initialement des niveaux indétectables de ces anticorps neutralisants ;
- plus surprenant, l’aspect structurel souvent négligé des anticorps dotés de chaînes de différents types de molécules de sucre liées entre elles – ces chaînes de sucre ayant un effet sur le degré d'inflammation d'un complexe immun (combinaison anticorps-antigène)- diffère chez les participants qui ont progressé vers un COVID-19 sévère : les chaînes de sucre de certains anticorps ciblant le SRAS-CoV2 étaient déficientes en une variété de sucre appelée fucose. Cette carence était encore plus évidente le jour où ces patients ont été testés positifs pour la première fois.
Ce marqueur de déficience en fucose n’est donc pas le résultat mais un marqueur prédictif de forme sévère.
- les cellules immunitaires de ces patients présentaient des niveaux excessivement élevés de récepteurs pour ces types d'anticorps dépourvus de fucose. Ces récepteurs, appelés CD16a, sont connus pour stimuler l'activité inflammatoire des cellules immunitaires;
- enfin, la réponse anticorps des patients qui vont développer un COVID sévère est excessivement distincte d’une réponse anticorps vaccinale (au vaccin à ARNm de Pfizer). C’est l’observation des scientifiques qui comparent les anticorps de ces patients ayant évolué vers une forme grave, à ceux de 29 patients vaccinés avec le vaccin à ARNm de Pfizer. Encore une fois, la teneur en anticorps fucose est élevée dans les groupes vaccinés et légèrement symptomatiques, mais faible chez les personnes hospitalisées.
Des tests de confirmation in vivo, effectués chez des souris modifiées pour que leurs cellules immunitaires présentent des récepteurs humains pour les anticorps, montrent que les extraits de complexes immuns déficients en fucose génèrent une réaction inflammatoire massive dans les poumons des souris.
Une signature de risque de sévérité : ces facteurs immunologiques identifiés dont une réponse plus lente des anticorps neutralisants, des niveaux de fucose déficients sur les chaînes de sucre attachées aux anticorps, et des récepteurs surabondants pour les anticorps déficients en fucose sont séparément déjà prédictifs de la gravité du COVID-19.
Pris ensemble, ces marqueurs constituent une signature claire de l'évolution de la maladie, avec une précision d'environ 80 %.
Source: Nature Immunology (In Press) via AAAS 8-Jan-2022 Stanford-led study: Antibodies in blood soon after COVID-19 onset may predict severity
Lire aussi :
- COVID-19 : Un test rapide du risque de forme sévère
- COVID-19 : Découverte de biomarqueurs de pronostic et de traitement
Plus sur Diagnostic Blog