Plus et mieux que les seuls taux de cholestérol HDL et LDL, le profilage lipidique global peut prédire le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires des décennies avant leur apparition, révèle cette équipe de biologistes allemands. Avec à la clé des tests précoces en routine qui, sur la base du lipotype, pourront permettre des interventions ciblées avant le développement et l’installation de la maladie. Ces travaux, publiées dans la revue PLoS Biology témoignent, avec la lipidomique, des avancées dans le diagnotic prophylactique.
De quoi s’agit-il ? La mesure simultanée de dizaines de types de graisses dans le sang. Cette analyse peut prédire le risque de développer un diabète de type 2 (DT2) et/ou de maladies cardiovasculaires pour les années à venir, selon l’équipe du biologiste Chris Lauber de Lipotype (Allemagne). Une étude qui révèle les avancées de cette nouvelle discipline diagnostique, le profilage lipidomique, qui, en pratique, apporte les bases d’interventions sur le régime alimentaire et le mode de vie, bien avant que la maladie ne se développe.
Un nouveau paradigme dans l’évaluation du risque cardiométabolique
Il n’y a pas que le cholestérol HLD et LDL ! Aujourd’hui, cette évaluation repose en grande partie sur les antécédents du patient et les comportements à risque actuels, ainsi que sur les niveaux et le rapport des 2 « principaux » lipides sanguins, le cholestérol à haute et à basse densité. Mais le sang contient plus d'une centaine d'autres types de lipides, qui reflètent aussi, au moins en partie, des aspects du métabolisme et de l'homéostasie dans tout le corps.
Une mesure plus complète des lipides sanguins pourrait augmenter la précision de la prédiction du risque : les chercheurs se sont basés sur les données et les échantillons de sang d'une étude longitudinale sur la santé de plus de 4.000 participants d'âge moyen en bonne santé, évalués pour la première fois de 1991 à 1994, et suivi jusqu'en 2015. A partir de ces échantillons, les chercheurs ont mesuré, par spectrométrie de masse, les concentrations de 184 lipides Au cours de la période de suivi, 13,8 % des participants ont développé un diabète, 22 % une maladie cardiovasculaire.
Les scientifiques ont développé un modèle permettant d’associer une signature lipidomique à 6 sous-groupes « de niveau de risque » :
- dans le groupe le plus à risque, l’incidence du diabète atteint 37 %, soit une augmentation du risque de 168 % ;
- dans le groupe le plus à risque, l’incidence de la maladie cardiovasculaire atteint 40,5 %, soit une augmentation du risque de 84 % ;
- des réductions significatives du risque sont en revanche observées observées dans les groupes les moins à risque ;
- le risque accru pour l'une ou l'autre des maladies apparaît indépendant des facteurs de risque génétiques connus et indépendant de l’âge d'apparition de la maladie.
Des implications majeures : ces travaux démontrent qu’il peut être possible de définir le risque des décennies avant l'apparition de la maladie, éventuellement à temps pour prendre des mesures pour l’éviter.
La lipidomique, soit en combinaison avec la génétique et les antécédents du patient, soit indépendamment de ceux-ci, peut fournir des données précieuses
sur le moment et les causes de la maladie. De plus, en identifiant les lipides qui contribuent le plus au risque, il pourrait également être possible d'identifier de nouveaux candidats-médicaments.
Le risque lipidomique, dérivé d'une seule mesure par spectrométrie de masse, une analyse peu coûteuse et rapide, pourrait préciser l'évaluation traditionnelle des risques basée sur les tests cliniques actuels, soulignent les auteurs et « le lipidome pourrait apporter des informations bien au-delà du risque de diabète et de maladie cardiovasculaire ».
« Le renforcement de la prévention des maladies est une priorité sanitaire mondiale. La lipidomique peut venir compléter notre boîte à outils pour la détection précoce des patients à risque élevé de développer ces maladies chroniques ».
Source: PLoS Biology 3 March, 2022 DOI: 10.1371/journal.pbio.3001561 Lipidomic risk scores are independent of polygenic risk scores and can predict incidence of diabetes and cardiovascular disease in a large population cohort