Évaluer la viscosité des cellules tumorales va permettre d’améliorer le pronostic du cancer, démontre cette équipe de l’Université de Californie – San Diego, partie d’un constat « tout simple » : des cellules peu adhérentes ou libres migrent plus facilement que des cellules « collantes ». L’équipe documente sur ce principe, dans la revue Cancer Research un dispositif microfluidique qui sépare les cellules cancéreuses moins « collantes » de leurs homologues plus collantes.
C’est une question de longue date dans le domaine de la recherche sur le cancer que d’identifier des marqueurs biologiques permettant d’évaluer l’agressivité des cellules tumorales. Cette étude pourrait apporter un marqueur physique précieux pour identifier les cellules hautement métastatiques au sein d’un groupe de cellules tumorales hétérogènes. Au-delà, ces travaux montrent que les mêmes gènes qui réduisent la capacité d’adhérence des cellules sont aussi ceux qui accroissent la capacité de la tumeur à réapparaître dans les 5 ans.
Estimer, à partir de la viscosité des cellules tumorales, le risque de métastases et de récidive.
La vitesse du flux détermine l’adhérence cellulaire : le dispositif (voir visuel) comprend une chambre microfluidique qui trie les cellules en fonction de leur capacité physique d’adhérence à leur environnement. La chambre microfluidique est recouverte d'une protéine adhésive. Les cellules cancéreuses sont placées dans la chambre et après avoir adhéré, sont soumises à un fluide poussé à travers la chambre pour tenter de les détacher. Plus le fluide se déplace rapidement, plus la pression subie par les cellules est élevée. L'équipe peut ainsi isoler les cellules qui se détachent à chaque niveau de contrainte.
Une signature génétique unique de l’adhérence cellulaire : les cellules faiblement adhérentes ont une signature génétique unique qui les identifie et leur permet aussi de migrer plus rapidement. En comparant cette signature chez des milliers de patients dans la base de données du Cancer Genome Atlas (TCGA), les chercheurs ont constaté que les patients atteints de tumeurs porteuses de cette signature ont un risque plus élevé et plus précoce de récidive. Le nouveau dispositif apparaît donc comme une étape précieuse pour évaluer le risque de récidive tumorale. L’auteur principal, Adam Engler, professeur de bio-ingénierie à l'UC San Diego explique : « les patients ayant peu de ces cellules agressives peuvent être considérés comme à risque réduit de récidive, à 5, 10 ou 20 ans plus tard. En évaluant plus précisément le risque d'un patient, il est alors possible de mieux adapter son traitement ».
La prochaine étape va consister à « amorcer » les tumeurs avec des cellules faiblement adhérentes pour voir si elles se métastasent plus rapidement et plus fréquemment. Si cela était confirmé chez la souris, des études pronostiques seraient menées chez l'Homme. L’espoir pour l’équipe est l’utilisation de ce dispositif microfluidique en routine clinique, à partir de biopsies tumorales et pour estimer le risque de métastases et de récidive.
« De nombreux cancers que nous voyons en pratique clinique, comme le carcinome canalaire in situ restent dormants pendant des années. Il nous est presque impossible de prédire leur risque de récidive ».
Source: Cancer Research Feb, 2020 DOI: 10.1158/0008-5472.CAN-19-1794 Cell adhesiveness serves as a biophysical marker for metastatic potential (Visuel David Baillot/UC San Diego Jacobs School of Engineering)
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