L'expression du gène MPST qui conduit à la surproduction d'hydrogène sulfuré est plus élevée dans le cerveau de patients atteints de certaines formes de schizophrénie. Or ces niveaux plus élevés d'hydrogène sulfuré se lisent aussi dans les cheveux ! Ainsi, la schizophrénie peut être détectée dans les cheveux humains, concluent ces scientifiques de l’Institut Riken (Japon) qui établissent un nouveau biomarqueur, une nouvelle signature capillaire de la maladie et ouvrent une nouvelle direction pour de nouveaux médicaments.
Ces neurobiologistes ont travaillé à la fois sur des souris modèles, des cerveaux humains post-mortem et auprès de patients schizophrènes. Ils constatent qu'un sous-type de schizophrénie est lié à des niveaux anormalement élevés de sulfure d'hydrogène dans le cerveau. Différentes expériences révèlent que cette anomalie caractéristique de la maladie résulte d'une réaction de modification de l'ADN au cours du développement, qui dure ensuite toute la vie.
Mesurer les niveaux d'hydrogène sulfuré dans les cheveux permet de détecter la majorité des cas de schizophrénie
L’importance d’un marqueur biologique : il est plus facile de diagnostiquer ces maladies psychiatriques lorsqu'il existe, au-delà de tests cognitifs, un marqueur fiable et objectif. Dans le cas de la schizophrénie, les scientifiques savent depuis plus de 30 ans qu’elle est associée à une réponse anormale du patient à un stress ou à un choc mental. Le cerveau des personnes non-psychotiques est protégé par un mécanisme appelé « inhibition liée à une pré-impulsion » qui permet une première « habituation » et réduit l’effet de surprise. Ainsi, en cas de choc, cette « pré-impulsion » ou « prepulse » (PPI : prepulse inhibition) vient précéder le véritable choc et inhibe la réaction de surprise. Chez les personnes atteintes de schizophrénie, l'inhibition liée à la pré-impulsion est très affaiblie, ce qui signifie que la réaction de surprise n'est pas atténuée. Le test PPI est un bon marqueur comportemental et s’il ne permet pas directement de comprendre la biologie de la schizophrénie, il est le point de départ de ces découvertes.
Faible inhibition liée à une pré-impulsion et niveaux élevés de sulfure d'hydrogène dans les cheveux : les scientifiques japonais ont commencé par la rechercher de différences d'expression des protéines entre des souches de souris présentant un IPP extrêmement faible ou extrêmement élevé. C’est ainsi qu’ils ont découvert que l'enzyme MPST était beaucoup plus fortement exprimée dans le cerveau des souches à IPP faible que chez les souris à IPP élevé. Sachant que cette enzyme contribue à produire du sulfure d'hydrogène, l'équipe a donc mesuré les niveaux de sulfure d'hydrogène. Elle constate qu'ils sont plus élevés chez les souris à faible IPP.
Un lien de causalité entre le sulfure d'hydrogène et la schizophrénie venait donc d’être établi. Pour vérifier que ce processus était initié par l’expression de l’enzyme MPST, les chercheurs ont créé une souris modèle privée de MPST et constate alors que son IPP est supérieur à celui de souris « ordinaires » à faible IPP. Ainsi, priver les souris de ce gène MPST aide les souris « à redevenir plus normales ». Enfin, les taux de protéines MPST dans les cerveaux s’avèrent également bien corrélés à la gravité des symptômes de schizophrénie.
L'expression de MPST est bien un biomarqueur, dans les cheveux, de la schizophrénie : lorsque l’équipe examine les follicules pileux de plus de 150 patients atteints de schizophrénie, elle constate que l'expression de l'ARNm de MPST est beaucoup plus élevée que chez des personnes non atteintes. Même si ces résultats ne sont pas à 100% spécifiques, ce qui indique que le taux de sulfure d’hydrogène ne permet pas de détecter tous les cas de schizophrénie, les taux de MPST apparaissent comme un « bon » biomarqueur de la schizophrénie.
A la recherche des autres facteurs d’augmentation de MPST : la schizophrénie est liée à la fois à des facteurs génétiques et environnementaux. La prochaine étape va donc consister, pour l'équipe, à rechercher des facteurs environnementaux pouvant aussi entraîner une augmentation permanente de la production de MPST. Comme le sulfure d’hydrogène peut réellement protéger contre le stress inflammatoire, le groupe a émis l’hypothèse que le stress inflammatoire au début du développement pourrait figurer au nombre des causes fondamentales de la maladie… « Nous avons constaté que des marqueurs anti-oxydants – y compris la production d'hydrogène sulfuré – qui compensent le stress oxydatif et la neuro-inflammation au cours du développement cérébral sont corrélés aux taux de MPST dans le cerveau des personnes atteintes de schizophrénie », concluent les chercheurs.
Vers un nouveau traitement ? Les traitements actuels de la schizophrénie se concentrent sur le système de dopamine et de sérotonine dans le cerveau. Ces médicaments ne sont pas toujours efficaces et induisent des effets secondaires. La découverte de ce marqueur qui en fait également une cible en puissance augure peut-être d’une nouvelle voie thérapeutique : les chercheurs ont déjà effectué de premiers tests et « l'inhibition de la synthèse du sulfure d'hydrogène soulage les symptômes chez des modèles murins de schizophrénie ».
Source: Embo Molecular Medicine 28 October 2019 DOI : 10.15252/emmm.201910695 Excess hydrogen sulfide and polysulfides production underlies a schizophrenia pathophysiology (Visuel RIKEN)
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